J’ai eu le plaisir de répondre à certaines questions de L’Echo à propos de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 15 mai dernier, qui a rejeté le recours en annulation introduit contre la réforme du régime belge CFC (loi-programme du 22 décembre 2023) (sur cet arrêt, voir aussi mon post précédent [1]).
L’incompatibilité de la clause de sauvegarde (l’exception dite de substance) avec les libertés européennes de circulation était une pièce maîtresse du recours en annulation.
1. Pour une holding, même active, invoquer l’exception substance relève souvent de la gageure…
🔸 Lorsque la filiale est elle-même une holding, invoquer l’exception de substance (prévue par la loi belge) est devenu en pratique très délicat (pour ne pas dire : quasiment impossible), même lorsque (i) les administrateurs se réunissent régulièrement au siège de la filiale pour prendre des décisions stratégiques, (ii) la filiale est dotée d’une infrastucture locale suffisante,…
🔸 Seules certaines holdings animatrices, ayant plusieurs membres de personnel spécialisés (profil financier, technique,…), devraient encore être éligibles (pour un cas favorable: la décision anticipée, n° 2024.0442 du 9 juillet 2024, à propos d’une filiale grecque animatrice).
2. Recours en annulation rejeté – on ne peut créer un intérêt à agir en cours de procédure
🔸 L’arrêt de la Cour constitutionnelle est décevant, en ce qu’il ne se prononce pas sur le fond du dossier. La Cour rejette le recours car la partie requérante n’avait pas justifié d’un intérêt à agir.
🔆 La Cour rappelle que l’intérêt à agir doit exister au moment de l’introduction du recours en annulation. On ne peut « créer un intérêt à agir » en cours de procédure, en acquérant une CFC (en l’espèce, la société requérante avait acquis SCI française translucide en cours de procédure, voir à ce propos mon post précédent [2] ).
3. Perspectives d’avenir – questions préjudicielles devant la CJUE
🔸 Il est peu vraisemblable que le législateur change sa copie pour mettre l’exception de substance à l’heure européenne.
🔸 En pratique, les sociétés belges qui entendent contester l’application du régime CFC en se fondant sur son incompatibilité avec le droit de l’Union (violation des libertés de circulation), ne devraient pouvoir le faire qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire.
✔️ Ils pourraient alors demander au juge fiscal saisi du litige de poser une question préjudicielle à la CJUE afin que celle-ci vérifie la conformité de l’exception de substance avec les libertés de circulation du TFUE.
😰 Pas du goût de tous ceux pour qui la perspective d’un procès long, coûteux et à l’issue incertaine effraie !
Denis-Emmanuel Philippe
[1] https://denisemmanuelphilippetax.be/tax-news/recours-en-annulation-contre-le-dispositif-cfc-arret-decevant-de-la-cour-constitutionnelle-du-15-mai-2025-le-sort-de-sci-francaises-translucides/
[2] https://denisemmanuelphilippetax.be/tax-news/recours-en-annulation-contre-le-dispositif-cfc-arret-decevant-de-la-cour-constitutionnelle-du-15-mai-2025-le-sort-de-sci-francaises-translucides/