L ‘Echo: ‘Nouveau coup de pression du fisc concernant la taxe Caïman’.

PARTAGER

mercredi, 29 janvier, 2025

L’ISI envoie des demandes de renseignements aux détenteurs de constructions juridiques à l’étranger. Objectif: pousser les contribuables à rapatrier ou à démanteler celles-ci.

L’ administration fiscale a décidé de lancer des contrôles ciblés concernant la taxe Caïman. À cet effet, elle envoie depuis le début de l’année un questionnaire à certains détenteurs de constructions juridiques à l’étranger.

Rappelons que la taxe Caïman, instaurée en 2015, impose les revenus d’une construction juridique dans le chef de ses fondateurs comme s’ils les avaient eux-mêmes directement perçus. Objectif: mettre un frein à l’évasion fiscale.

Sont susceptibles d’être qualifiées comme « constructions juridiques » les entités suivantes: la Soparfi luxembourgeoise, un holding chypriote ou maltais, un trust anglo-saxon, une sicav dédiée ou encore une SCI (société civile immobilière) française détenant une seconde résidence non louée en France. Les ménages belges possèdent, en effet, plus de 55.000 résidences secondaires en France. Souvent, l’immeuble est logé dans une SCI française.
En application de la taxe Caïman, la personne physique est imposable à l’impôt des personnes physiques sur les revenus imposables recueillis par la construction juridique, par exemple, les dividendes, intérêts ou certaines plus-values.

Dissuasion

Un premier élément dissuasif avait été instauré fin 2023 avec la fameuse « mini exit tax ». Celle-ci prévoit que lorsque le détenteur d’une construction juridique décide de transférer son domicile fiscal en dehors de la Belgique, il sera taxé sur toutes les réserves, même lorsque celles-ci ne sont pas distribuées. Ce faisant, le fisc agit comme s’il y avait eu une distribution de dividende par la construction juridique.

Aujourd’hui, avec l’envoi de ce questionnaire, l’Inspection spéciale des impôts (ISI) met un coup de pression supplémentaire. « Les renseignements demandés sont tellement détaillés et les risques de sanction tels que cela devrait pousser les détenteurs à rapatrier leur construction juridique ou à la démanteler », estime Denis-Emmanuel Philippe, avocat chez Bloom et maître de conférences à l’Université de Liège (ULiège). « Cela devient vraiment périlleux d’avoir une construction juridique à l’étranger », ajoute-t-il.

Les questions posées par l’administration portent notamment sur la justification de l’interposition de la construction juridique, sur les statuts de celle-ci, sur l’introduction éventuelle d’une régularisation fiscale (DLU), sur l’utilisation des actifs de la construction juridique (y compris le relevé des transactions) ou encore sur les comptes de la construction juridique (y compris les crypto wallets).

Batailles juridiques en vue

Le contribuable a un mois pour répondre à toutes ces questions, ce qui est un délai très court.

« On peut s’attendre à ce que certains contribuables – et leurs conseillers – refusent de répondre à l’ensemble des questions posées, en particulier celles liées à l’utilisation des actifs et aux relevés des transactions », prédit Denis-Emmanuel Philippe.

« Ils pourraient fonder leur argumentation sur le fait que celles-ci s’apparentent à une pêche aux informations (phishing expedition), et pourraient entraîner une violation du droit au respect de la vie privée. Or, le fisc ne peut poser des questions que dans la mesure où elles sont pertinentes pour établir l’impôt », rappelle-t-il.

Par contre, si le contribuable refuse de répondre à l’ensemble des questions du formulaire, il n’est pas à exclure que le fisc mette la pression sur le contribuable en réclamant des astreintes en justice.

Le résumé

  • L’ISI envoie des demandes de renseignements aux détenteurs de constructions juridiques à l’étranger.
  • Objectif: pousser les contribuables à rapatrier ou à démanteler celles-ci.
  • Certains contribuables pourraient toutefois refuser de répondre aux questions posées en invoquant le respect de la vie privée.
  • Auquel cas, il n’est pas à exclure que le fisc mette la pression sur le contribuable en réclamant des astreintes.

Journaliste Jean-Paul Bombaerts 

Lire aussi l’ article de Denis-Emmanuel Philippe dans L’ Echo

L ‘ Echo 29 01 2025

PARTAGER

Loading...