Nouvelle application jurisprudentielle de la mesure anti-abus à une réduction de capital
1️. Deux arrêts de cours d’appel défavorables début 2025
Dans un arrêt du 5 février 2025, la Cour d’appel de Liège a requalifié une réduction de capital libéré en dividende sur le fondement de la mesure générale anti-abus (art. 344,§1er du CIR). Ce remboursement de capital s’intégrait dans le cadre d’un montage de « plus-value interne ».
La Cour d’appel d’Anvers s’est prononcé dans le même sens à propos d’une opération similaire (arrêt du 28 janvier 2025, voir à ce sujet le lien [1]vers mon article précédent).
2️. Arrêt de la Cour d’appel de Liège du 5 février 2025 : les faits
Les faits peuvent être résumés comme suit:
– Un couple et leur fils sont actionnaires de la SPRL M., société active dans le domaine de sécurisation des agences bancaires;
– En mars 2012, ils constituent une holding et y apportent la totalité des titres de la SPRL M. Le capital de la société constituée s’élève à 2.500.000 €;
– En 2015 et en 2016, l’assemblée générale de la SPRL M. distribue un dividende de 750.000,00 à la holding€;
– En 2016, l’assemblée générale de la SCA H. décide de réduire le capital à de deux reprises, à hauteur de 1.500.000 € et ensuite de 1.470.000 €;
– En janvier 2019, la SPRL M. est mise en liquidation.
Le fisc considère que l’opération est constitutive d’un abus fiscal et requalifie les remboursements de capital en distributions de dividendes taxables.
3️. Décision
Le magistrat liégeois accueille favorablement la thèse administrative:
– Selon la Cour, l’élément objectif de l’abus est rencontré: l’opération dans son ensemble « transforme, en violation des objectifs de l’article 18, al. 1er, 1° du CIR 92, une distribution de dividendes taxables par la SPRL M. en un remboursement de capital exonéré par la holding (…) « . Idem pour l’élément subjectif de l’abus.
– Les contribuables avaient tenté de mettre en avant des motivations autres que fiscales pour justifier le choix du montage:
▪️ la constitution de la holding devait permettre l’acquisition de 51 % des actions d’une autre société (R), dont l’activité était complémentaire à celle de la SPRL M. ,
▪️ l’intérêt marqué par le fils des contribuables, alors étudiant en commerce, de poursuivre et de développer l’activité familiale à la sortie de ses études.
– La Cour d’appel a balayé (à juste titre selon moi) ces arguments:
▪️ le seul élément objectif relatif à l’existence de pourparlers liés à l’éventuelle reprise d’actions de la société R. est une facture de l’expert-comptable datée du 8 septembre 2015, soit bien après la constitution de la holding en 2012.
▪️ les prétendus « sérieux contacts et discussions » liés à l’acquisition d’une partie des actions de la société R. qui auraient eu lieu préalablement à la constitution de la holding, ne sont pas établis.
4. Importance de la date d’apports des actions à la holding (avant ou après 2017)
– A noter que cette jurisprudence concerne des réductions de capital consécutives à des apports d’actions effectués par des personnes physiques avant le 1er janvier 2017.
– Lorsque l’apport d’actions est intervenu après le 1er janvier 2017, le fisc n’a plus besoin de recourir à la mesure générale anti-abus pour taxer la réduction de capital: il lui suffit d’appliquer l’article 184, al. 4 du CIR, qui traite automatiquement une partie (souvent significative) de la réduction de capital comme un « dividende ».
Denis-Emmanuel Philippe
[1] https://denisemmanuelphilippetax.be/tax-news/abus-fiscal-reduction-de-capital-substance-economique-dune-holding-jurisprudence-recente/