La Libre: Le retour de la peur sur les marchés, une « double peine » pour les investisseurs belges avant l’arrivée de la taxe sur les plus-values ?

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mercredi, 15 octobre, 2025

Les Bourses mondiales flanchent à nouveau face au retour des tensions commerciales.

La volatilité et, surtout, la peur sont de retour sur les marchés financiers depuis la fin de la semaine dernière. La cause : la relance des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, Donald Trump ayant annoncé, vendredi dernier, que les États-Unis frapperaient, à partir du 1er novembre, les marchandises chinoises de droits de douane supplémentaires de 100 %, s’ajoutant à ceux déjà en vigueur. Une mesure de représailles après que la Chine a annoncé qu’elle allait dorénavant contrôler ses exportations de terres rares.

Cette annonce a fait plonger Wall Street vendredi dernier – qui a enregistré sa plus forte chute quotidienne depuis le Liberation Day. Et elle pousse à la baisse, depuis lors, la plupart des Bourses dans le monde. Alors, faut-il craindre un automne noir sur les marchés, alors que l’indice VIX – qui mesure le risque et la volatilité sur les marchés – est revenu au-dessus des 20 points, ce qui signifie en général le début d’une période de turbulences ? Tentative de réponses.

  1. Plus de 10 % de baisse pour le S&P 500, est-ce possible ?

C’est le scénario pessimiste. Et il ne vient pas de n’importe qui puisque c’est Michael Wilson, le Chief US Equity Strategist de Morgan Stanley qui en fait état dans une note de marché évoquant le nouveau bras de fer entre Chine et États-Unis. Selon lui, l’indice S&P 500 (l’indice reprenant les 500 plus grandes sociétés cotées en Bourse aux États-Unis) risque de chuter d’environ 11 % si les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ne sont pas résolues d’ici début novembre. « Un tel scénario qui s’apparenterait à un embargo commercial, minerait la thèse de ‘la reprise économique progressive jusqu’en 2026’ et pourrait faire chuter le S&P 500 dans une fourchette de 5 800 à 6 027 points, ce qui représenterait une baisse de 8 % à 11 % par rapport aux niveaux récents », précise le responsable des actions américaines de Morgan Stanley. Ce scénario n’est toutefois qu’une hypothèse, selon Michael Wilson, rappelant que Donald Trump pourrait rencontrer son homologue chinois Xi Jinping entre le 30 octobre et le 1er novembre en marge du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (Apec) en Corée du Sud. Et conclure à cette occasion un deal pour enterrer (définitivement ?) la hache de guerre commerciale.

  1. Donald Trump bluffe-t-il ?

C’est ce que pense une grande partie de la planète financière, qui ne croit pas à une nouvelle escalade de la guerre commerciale Chine/USA. Et ce qu’estiment, en particulier, plusieurs responsables de stratégie d’investissement de banques belges. « Comme on pouvait s’y attendre, les marchés boursiers ont chuté après l’annonce des tarifs douaniers vendredi dernier, tandis que les prix des obligations et de l’or ont augmenté, reconnaît Ilya Vercammen, Chief Strategist chez Puilaetco. Notre première impression est qu’il s’agit probablement d’une menace de négociation et non d’un plan réalisable, certainement pas pour une période prolongée. En effet, les entreprises américaines dépendent fortement de la Chine pour les biens intermédiaires ; l’imposition de droits de douane généralisés provoquerait le chaos dans la chaîne d’approvisionnement et ferait grimper l’inflation au moment même où la Réserve fédérale américaine (Fed) assouplit ses activités. »

Et le responsable de Puilaetco signale : « Lors du premier mandat de Donald Trump, une tactique de négociation sous forme d’escalade puis de désescalade a déjà été utilisée en 2018-2019 : Trump avait augmenté les droits de douane, puis désamorcé la situation en concluant des accords avant la période électorale. À l’approche des élections de mi-mandat aux États-Unis et compte tenu de la nécessité de soutenir l’économie, nous pensons que ce scénario est assez probable. » Il ajoute : « Les menaces douanières créent un levier pour la renégociation. Mais le Congrès et les lobbies des grandes entreprises (commerce de détail, automobile, technologie) s’opposeront probablement à une mise en œuvre complète (des droits de douane supplémentaires, NdlR), ce qui limitera la durée de la crise ».

Une relative confiance prévaut également du côté de Jérôme van der Bruggen, Chief Investment Officer Private Banking chez Degroof Petercam. Notamment parce que les deux blocs commerciaux ne peuvent vivre l’un sans l’autre. « La véritable force de la Chine réside dans sa maîtrise de près de 90 % de la capacité mondiale de raffinage des terres rares. Et la Chine a décidé d’utiliser cette force dans son bras de fer avec les États-Unis qui porte plus largement sur la supériorité technologique. Les États-Unis conçoivent les meilleures puces, la Chine produit les terres rares, indispensables pour leur mise en œuvre, rappelle-t-il. Notre point de vue est que cet état de fait mène en général à une forme d’équilibre, forçant les acteurs à collaborer plutôt qu’à se bloquer l’un l’autre. La réaction épidermique du marché (la baisse actuelle des Bourses, NdlR) n’est sans doute que temporaire. »

  1. Une incertitude faite pour durer ?

Mais certains experts manifestent toutefois davantage d’inquiétude à propos de la situation actuelle, dont Wim D’Haese, Head Investment Strategist chez Deutsche Bank. « La principale question pour les marchés est désormais de savoir si les tarifs douaniers récemment annoncés par les États-Unis et les mesures annoncées par la Chine seront effectivement appliqués – ce qui perturberait fortement les chaînes d’approvisionnement mondiales, en particulier dans les secteurs technologiques. Ou s’ils serviront simplement de levier de négociation. À ce stade, l’incertitude règne et la volatilité pourrait perdurer à court terme. Et si l’incertitude persiste début novembre, une correction plus marquée ne peut être exclue, sachant que le poids du secteur tech dans le S&P 500 dépasse les 30 %. À l’inverse, si elle s’avère n’être qu’une tactique de négociation et qu’un accord est trouvé lors du sommet de l’Apec, la correction actuelle pourrait constituer une opportunité d’achat », estime le responsable de Deutsche Bank.

  1. Une double peine pour les investisseurs belges

Et si les marchés venaient à tromper les prévisions optimistes et à véritablement flancher d’ici à la fin de l’année ? Un tel scénario pourrait s’avérer très négatif pour les investisseurs particuliers belges à double titre, en raison… de l’arrivée prochaine de la taxe sur les plus-values, le 1er janvier 2026.

« C’est en effet la ‘photo’ au 31 décembre 2025 qui servira de base pour le calcul des plus-values imposables futures. Si la valeur de marché au 31 décembre 2025 est relativement faible (en raison d’une chute des cours de Bourse à la fin de l’année), la plus-value imposable future – réalisée, par exemple, à l’occasion d’une vente d’actions cotées en 2026 ou 2027 – sera en principe relativement plus élevée », rappelle l’avocat Denis-Emmanuel Philippe, partner chez Bloom Law.

Un « correctif » a cependant été prévu par la future loi de taxe sur les plus-values : si la valeur d’un portefeuille d’investissement est moins élevée au 31 décembre 2025 que sa valeur d’acquisition, l’investisseur particulier pourra présenter cette valeur d’acquisition initiale comme base de calcul des plus-values futures. Avec une nuance, cependant : « On ne pourra utiliser la valeur d’acquisition historique (par hypothèse plus élevée que la valorisation au 31 décembre 2025) que pour autant que la cession ait lieu avant le 31 décembre 2030 », signale Denis-Emmanuel Philippe, illustrant ce principe par un exemple concret : « Si Monsieur Dupont a acquis des actions cotées pour 1 million d’euros en 2022 qui valent 800 000 euros au 31 décembre 2025 (cours de Bourse), il aura intérêt à les vendre avant le 31 décembre 2030 pour réduire au maximum l’impôt sur la plus-value. Dans cette hypothèse, il pourra en effet partir de la valeur d’acquisition réelle (1 million) et non de celle fixée fin 2025, pour le calcul de la plus-value imposable ».

Attention aussi : ce sera toutefois « au contribuable à démontrer la valeur d’acquisition de ces actifs financiers », selon le projet de loi, toujours en discussion entre les partis membres du gouvernement De Wever. Ce qui pourra représenter un casse-tête dans certains cas, en cas d’investissements très anciens, par exemple. Les banques belges ont en effet l’obligation réglementaire de ne garder les informations que pendant une dizaine d’années. De quoi inciter les contribuables à ne rien jeter comme preuves possibles d’un investissement ancien.

Journaliste Nicolas Ghislain

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