Invoquer le prix d’achat historique au lieu de la valeur de fin 2025 n’est permis que jusqu’en 2030. Après, la taxe sur les plus-values risque d’être plus salée.
Soyez attentif à l’évolution du cours de vos actifs financiers dans les cinq prochaines années. Après 2030, un détail de la taxe sur les plus-values pourrait pénaliser certains investisseurs. Si un actif financier a été acquis avant 2026 à un prix supérieur à la valeur qu’il atteindra le 31 décembre 2025, en cas de revente après 2030 à un cours plus élevé que cette valeur, l’investisseur devra payer une taxe sur la plus-value plus lourde que celle qui aurait frappé une vente au plus tard le 31 décembre 2030.
C’est la conséquence des conditions qui s’appliquent au dispositif visant à exonérer les plus-values historiques, c’est-à-dire l’accroissement de valeur entre une acquisition dans le passé et le 1ᵉʳ janvier 2026, jour de l’entrée en vigueur de la taxe.
En principe, le montant d’une plus-value sera calculé en déduisant du prix de vente le montant payé lors de l’acquisition. Mais pour éviter de toucher les plus-values historiques, le projet de loi prévoit que, pour les actifs financiers acquis avant 2026, la plus-value sera la différence entre le prix de vente de l’actif financier et sa valeur au 31 décembre 2025.
Mais comme il se peut que le prix d’acquisition soit supérieur à cette valeur à la fin 2025, le texte en projet prévoit que le contribuable pourra se référer à ce prix d’acquisition réel, ce qui donnera une plus-value plus faible et donc une taxe moins élevée. Toutefois, cette possibilité de se référer au prix d’acquisition plutôt qu’à la valeur au 31 décembre 2025 ne sera possible que pour les ventes d’actifs financiers réalisées au plus tard le 31 décembre 2030.
Exemple chiffré
Le projet de loi dispose en effet que « pour les cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2030 sur des actifs financiers acquis avant le 1ᵉʳ janvier 2026, la plus-value peut s’entendre, à la demande du contribuable, de la différence positive entre le prix reçu et la valeur d’acquisition des actifs financiers telle qu’elle est démontrée par le contribuable ». Par conséquent, à partir de 2031, toute plus-value sera calculée sur base de la valeur au 31 décembre 2025, quand bien même le prix lors de l’acquisition antérieure serait plus élevé.
Résultat: dans certains cas, il vaudra mieux vendre des actifs financiers avant 2031. « Si la valeur d’acquisition historique est plus élevée que la photo au 31 décembre 2025, le contribuable aura fort intérêt à réaliser les actifs financiers avant le 31 décembre 2030 », analyse Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom Law.
Prenons l’exemple d’un investisseur ayant acheté des actions Cofinimmo ‘COFB 0,07%’ à 100 euros en septembre 2022. Supposons que le cours de la société immobilière réglementée clôture à 80 euros le 31 décembre 2025 et qu’il atteigne 120 euros vers la fin 2030. Cet investisseur aura intérêt à vendre ses titres au plus tard le 31 décembre 2030 pour pouvoir invoquer la valeur d’acquisition de 100 euros, afin que la plus-value se limite à 20 euros. Car s’il laisse passer cette date et revend ses actions à ce cours de 120 euros après 2030, il devra alors s’acquitter d’une taxe sur une plus-value de 40 euros, soit le double de celle qu’il aurait payée en vendant à temps.
Réclamer via la déclaration fiscale
Attention, ce sera au contribuable à réclamer la référence à la valeur d’acquisition, via sa déclaration fiscale. « Les banques belges vont se baser sur la photo au 31 décembre 2025 pour calculer le montant de la plus-value imposable », explique Denis-Emmanuel Philippe. « Elles ne prendront donc pas en compte la valeur d’acquisition historique réelle! C’est donc au contribuable à en faire la demande dans sa déclaration à l’impôt des personnes physiques. »
Dans un premier temps, la banque prélèvera la taxe sur la plus-value sur base du cours au 31 décembre 2025 et, dans un second temps, le contribuable récupérera, après déclaration invoquant la valeur d’acquisition, le trop-perçu de la taxe.
Quid en cas de moins-value par rapport au prix d’acquisition? Ce serait le cas si, dans notre exemple, l’action Cofinimmo était revendue à 90 euros fin 2030. Dans ce cas, la banque se référera à la valeur fin 2025 (80 euros) et prélèvera une taxe sur la plus-value de 10 euros. Le contribuable invoquera la valeur d’acquisition (100 euros) et récupérera l’intégralité de la taxe.
Par contre, pas question d’utiliser la moins-value en déduction de plus-values sur d’autres titres. « Le contribuable ne peut pas utiliser la valeur d’acquisition historique pour le calcul de ses moins-values déductibles », souligne Me Philippe. Reste donc aux investisseurs à espérer des hausses de cours et à vérifier ceux-ci par rapport à la valeur d’acquisition et celle du 31 décembre prochain. À vos calculatrices.
Une disposition inconstitutionnelle?
Les fiscalistes s’interrogent sur la conformité à la Constitution de la limite du 31 décembre 2030 pour pouvoir invoquer la valeur d’acquisition historique réelle d’un actif financier dans le cadre de la taxe sur les plus-values.
« On peut se demander si cette limitation dans le temps est conforme au principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination », indique Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law). « Dans l’exposé des motifs de l’avant-projet, le gouvernement n’a pas pris soin de fournir une motivation pour justifier cette limitation dans le temps. »
Cette disposition engendre, en effet, une différence de traitement entre, d’une part, un contribuable qui réalise une plus-value avant la fin 2030 en limitant celle-ci grâce à la possibilité de se référer à une valeur d’acquisition réelle plus grande que la valeur au 31 décembre 2025, et, d’autre part, un contribuable qui réalise une plus-value à partir de 2031 et qui ne peut pas échapper au calcul moins favorable basé sur la valeur de fin 2025.
Le contribuable qui se trouve dans cette dernière situation est également traité différemment de celui qui a réalisé son acquisition à partir de 2026 et qui ne se voit, quant à lui, pas imposer une valeur de référence telle que celle du 31 décembre 2025. Ces questions ne manqueront pas de se poser lors du parcours législatif du projet de loi sur la taxe sur les plus-values.
Journaliste Philippe Galloy
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