Taxe Caïman et estate planning : liaisons dangereuses

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lundi, 31 mars, 2025

Taxe Caïman et estate planning : liaisons dangereuses

Une récente déclaration du ministre des Finances n’est pas de nature à faciliter la vie de tous ceux qui conseillent et mettent en place de schémas de planification patrimoniale et successorale (estate plannnig) impliquant des constructions juridiques / leurs actifs.

1. Distribution de dividende fictive (art. 18, al. 1, 3/1 CIR)

  • L’article 18, alinéa 1, 3°/1, CIR 1992 range dans la catégorie des dividendes les « bénéfices non distribués » d’une construction juridique (« CJ »), lesquels « sont censés être attribués ou mis en paiement au fondateur d’une construction juridique au moment où les droits économiques, les actions ou parts ou les actifs de la construction juridique sont (…) transférés vers un autre Etat ou juridiction que la Belgique ».
  • Selon le ministre des Finances, la notion de « bénéfices non distribués » vise « toute réserve que le patrimoine de la construction juridique a fait fructifier au-delà du patrimoine apporté par le fondateur » . Les réserves historiques de la CJ sont clairement visées, de même que -à mon avis- les plus-values latentes sur ses actifs (d’autres ne partagent pas cet avis).
  • Nouvel exit tax prévu en cas d’émigration de sociétés belges => suivant l’avant-projet de loi, celui-ci devrait frapper les plus-values constatées sur des éléments qui ne sont pas maintenus en Belgique.

2. Quels sont les transferts visés ? Quid d’un transfert dans le cadre d’une donation ou d’une succession?

  • Il est généralement admis que le « transfert » d’actifs d’une CJ vise le transfert de siège d’une CJ (vers une autre juridiction que la Belgique). Deux exemples:

↪️ Le transfert de siège d’une SOPARFI (qualifiant de CJ) vers Malte est visé;

↪️ Le transfert de siège d’une SICAV dédiée luxembourgeoise vers la Belgique (et sa conversion dans la foulée en une SICAV belge) échappe par contre à ce dispositif.

  • A l’occasion d’une récente question parlementaire, le ministre des Finances a précisé que « tout transfert est visé par ce régime, qu’il soit à titre onéreux ou non » (réponse du 8 novembre 2024). Par conséquent, « les transferts dans le cadre d’une donation ou d’une succession entrent également dans le champ d’application ». Quelques implications pratiques :

a. On relèvera que les transferts d’actifs par une CJ à titre gratuit à un habitant du Royaume peuvent dans certains cas déjà être visés par une autre disposition : l’article 18, al.1, 3° du CIR. SI cette dernière disposition trouve à s’appliquer, c’est le bénéficiaire du paiement qui se voit taxé au titre de « dividende » au taux de 30%. Exemple emprunté à deux décisions de jurisprudence récentes[1]: le paiement fait par une CJ (sans contrepartie) en vue de l’acquisition d’un actif (bien immeuble) par un habitant du Royaume. Les transferts d’actifs DE la CJ à titre gratuit (qui ne seraient pas visés par l’article 18, al. 1, 3° du CIR) devraient pouvoir être visés (sauf si le transfert s’opère vers la Belgique).

b. Prise au pied de la lettre, cette déclaration du ministre pourrait conduire à l’application de l’article 18, al. 1, 3/1 en cas de transfert à titre gratuit (par voie de donation de ou succession) des actions DE la CJ ou des droits économiques DANS la CJ.

  • Exemple :une transmission de parts d’une SPF, d’une SOPARFI ou d’une SICAV dédiée luxembourgeoise (qualifiant de CJ) par voie de donation ou de succession semble à première vue visée par l’article 18, al. 1, 3/1 du CIR

 

Denis-Emmanuel Philippe 

[1] Distribution par une construction juridique à un tiers : dividende imposable ? – Denis-Emmanuel Philippe

 

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