À l’approche de la taxe sur les plus-values, mieux vaut réaliser certaines opérations, comme des donations, avant fin 2025. D’autres sont par contre à éviter.
Dans moins de trois mois, la taxe sur les plus-values sur actifs financiers entrera en vigueur. Dans certains cas, les détenteurs de ces valeurs pourraient avoir intérêt à prendre des dispositions avant la fin de l’année. Dans d’autres, il vaut mieux éviter d’agir dans la précipitation. Voici toutes les démarches qu’il est recommandé d’accomplir ou d’éviter avant que ce nouvel impôt ne voie le jour.
Ce qu’il faut faire avant la fin 2025
- Établir la valeur des actifs financiers
Les plus-values historiques ne seront pas soumises à la taxe sur les plus-values: pour les actifs financiers acquis avant 2026, le calcul d’une éventuelle plus-value tiendra compte de la valeur des actifs concernés au 31 décembre 2025. Il faut donc déterminer et documenter la valeur de chaque actif à cette date.
Pour les actifs non cotés, une des méthodes d’évaluation de leur valeur consiste à recourir à l’expertise d’un réviseur d’entreprise ou d’un expert-comptable certifié indépendant. L’évaluation se référera aux comptes annuels des sociétés de 2025: elle interviendra donc en 2026. Attention: les professionnels du chiffre risquent d’être submergés de travail à cette occasion. Il faut donc veiller à les contacter suffisamment tôt pour s’assurer leurs services.
- S’informer d’augmentations de capital ou de cessions réalisées en 2025
Pour la valorisation d’actifs non cotés, une autre méthode d’évaluation consiste à se référer au prix retenu lors de certaines opérations survenues en 2025, comme une augmentation de capital à laquelle des tiers auraient participé ou encore une cession d’actions entre tiers. Les autres actionnaires seraient bien inspirés de s’informer des prix retenus lors de telles opérations, qui permettront d’estimer la valeur de leurs actions.
D’après les spécialistes, cette méthode serait particulièrement utile pour l’évaluation des actions d’une start-up, dont un réviseur indépendant pourrait ne pas identifier pleinement le potentiel de croissance, ce qui conduirait à une sous-évaluation, et donc à un calcul défavorable de la plus-value lors de la revente des titres.
- Prouver la valeur de cryptoactifs
S’il n’est pas trop compliqué de déterminer la valeur d’un portefeuille de bitcoins, ça peut s’avérer moins évident pour d’autres cryptoactifs moins célèbres, comme des tokens (versions numériques d’actifs sous-jacents).
Quel que soit le cryptoactif considéré, il faut veiller à conserver une preuve de sa valeur au 31 décembre, sur la base d’un cours officiel. Les investisseurs doivent donc identifier des plateformes fournissant les cours de tous leurs cryptoactifs, ce qui permettra d’en documenter la valeur.
- Anticiper des restructurations
Dans des entreprises familiales organisées à travers un ensemble de sociétés (holding, filiales, etc.), si une restructuration se profile, avec des cessions engendrant des plus-values, mieux vaut réaliser ces opérations avant la fin de l’année et éviter le surcoût fiscal dû à la taxe sur les plus-values; ça permettra aussi de fixer la valeur des actifs concernés.
- Partir à l’étranger plus tôt que prévu
Des détenteurs d’actifs financiers qui prévoient de s’expatrier devraient peut-être envisager d’anticiper ce déménagement. Car une « exit tax » est au menu: toute personne qui quittera le territoire belge s’exposera à une taxe sur la plus-value latente de ses actifs financiers, à moins de conserver ceux-ci pendant au moins deux ans (dans le cas d’une expatriation vers un pays européen ou ayant une convention préventive de double imposition avec la Belgique). Un déménagement avant fin 2025 permet de rester libre de vendre à tout moment.
« Pour ceux qui envisageraient de quitter la Belgique, pour des raisons fiscales ou non, un départ avant le 1er janvier 2026 est plus que conseillé, surtout si l’on a un portefeuille d’actifs financiers renfermant d’importantes plus-values latentes », résume Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom Law.
- Donner avant le réveillon
Dans l’état actuel du projet de taxe sur les plus-values, les spécialistes préconisent de réaliser des donations d’actifs financiers avant 2026. Sans quoi les personnes gratifiées s’exposent au risque de devoir payer une taxe élevée, à cause du mode de calcul qui se réfère non pas à la valeur de l’actif lors de la donation, mais bien à celle qui prévalait au moment de l’acquisition à titre onéreux par le donateur, sans possibilité de faire valoir la valeur de l’actif au 31 décembre 2025.
- Dans certains cas, vendre avant la fin 2025
On l’a dit et répété, les plus-values historiques sont exonérées. Donc, à quoi bon vendre avant la fin de l’année, puisque la valeur de référence pour une plus-value future sera le 31 décembre 2025? Une vente avant 2026 pourrait toutefois s’avérer pertinente dans certains cas.
En vendant avant l’entrée en vigueur de la taxe, « on évite toute discussion avec le fisc sur la valorisation des actifs financiers au 31 décembre 2025 », souligne Denis-Emmanuel Philippe. « Il faut bien garder cela à l’esprit s’il s’agit d’actifs non cotés comme des parts de fonds de private equity ou des actions d’une PME. »
Vendre en 2025 peut aussi conférer une certaine tranquillité administrative. « On évite toute charge administrative liée à la valorisation des actifs non cotés au 31 décembre 2025 », explique Me Philippe. Songeons aux frais des réviseurs et experts-comptables pour l’évaluation des actifs. De plus, si on choisit de déclarer soi-même ses plus-values au lieu de laisser la banque prélever la taxe, vendre avant la fin de l’année permettra d’éviter de devoir mentionner une plus-value dans la déclaration fiscale relative à l’année 2026.
Si par contre, le contribuable se soumet au prélèvement de la taxe par la banque par voie de précompte, « il faut bien savoir que la banque ne tient pas compte d’une série de facteurs dans le calcul du précompte, notamment les moins-values sur d’autres actifs financiers, l’exonération annuelle de 10.000 euros ou encore l’existence d’une valeur d’acquisition plus élevée que celle existant au 31 décembre 2025 », avertit Denis-Emmanuel Philippe.
Ce sera alors au contribuable de porter ces éléments à la connaissance de l’administration via sa déclaration fiscale pour récupérer le trop-perçu. « Donc si on préfère éviter ce préfinancement du précompte et éviter toute charge administrative, une cession avant la fin de l’année pourrait dans certains cas être indiquée », conclut Me Philippe.
Ce qu’il faut éviter de faire avant la fin 2025
- Vendre des actifs présentant une moins-value latente
« Prendre sa perte » sur un investissement avant le 31 décembre n’est pas une bonne idée. Car si la valeur de cet investissement repart à la hausse en 2026, on sera doublement perdant: on aura manqué ce rebond du cours de l’actif financier et en plus, on aura loupé la possibilité d’imputer la moins-value antérieure sur la plus-value de 2026.
En effet, à partir du 1er janvier prochain, celui qui réalise une plus-value sur des actifs financiers peut, au lieu de se référer à la valeur au 31 décembre 2025, recourir à la valeur d’acquisition antérieure à cette date, si celle-ci est plus élevée et permet donc de limiter la plus-value. Cette possibilité est ouverte jusqu’au 31 décembre 2030.
« Si l’on table sur une augmentation de la valeur des actifs financiers par rapport à la « photo » au 31 décembre 2025, cette piste est fiscalement attrayante », confirme Denis-Emmanuel Philippe.
- Vendre avec une clause de « earn-out »
Le « earn-out » est une clause utilisée lors de la cession d’une entreprise. En fixant le prix de vente des actions, les parties conviennent qu’en cas de réalisation de certains objectifs financiers par l’entreprise, un certain montant supplémentaire sera dû au vendeur par l’acquéreur.
La taxe sur les plus-values pourrait-elle frapper ce paiement supplémentaire en cas de réalisation d’un objectif financier à partir de 2026? « La question qui se posera au-delà du 31 décembre 2025 est d’identifier le régime fiscal de ce paiement: est-ce un simple paiement différé d’une plus-value réalisée en 2025, et qui serait donc non imposable, ou est-ce un paiement qui entrerait dans le champ d’application de la nouvelle imposition des plus-values? », analyse Laurent Donnay de Casteau, avocat associé chez Advisius. « Il devient important de bien préciser, dans le « earn out », le fondement et la nature temporelle des paiements différés réalisés. »
Dans le doute, restreindre autant que possible ces clauses de « earn-out » dans les contrats conclus en 2025 peut aussi être pertinent.
- Exercer des stock-options
Les stock-options sont des options d’achat sur actions. Comment la taxe sur les plus-values les frappera-t-elle? « La valeur d’acquisition qui sera prise en compte pour la taxe sur les plus-values sera celle de la valeur de l’action sous-jacente au moment de l’exercice de l’option », explique Laurent Donnay de Casteau.
Il n’y a donc pas lieu d’exercer des options avant la fin 2025 dans la crainte d’une taxe sur la plus-value élevée à partir de 2026. Tel n’aurait pas été le cas si la valeur d’acquisition avait été celle des actions au moment de l’attribution des stock-options, avec impossibilité d’invoquer la valeur du 31 décembre 2025 parce que le bénéficiaire n’était pas encore, à cette date, détenteur des actions elles-mêmes. Les détenteurs de stock-options évitent donc un traitement fiscal pénalisant et peuvent attendre avant d’exercer leurs options.
Le résumé
- La taxe sur les plus-values s’appliquera à partir de 2026. En attendant, voici ce qu’il faut faire et éviter.
- Pour l’évaluation des actifs financiers, plusieurs démarches sont à considérer.
- L’état actuel du texte conduit à encourager la réalisation de donations avant la fin 2025.
- Il est déconseillé de vendre des actifs présentant une moins-value latente ou encore d’exercer des stock-options.
Journaliste Philippe Galloy
Lire aussi l’article dans L’ Echo
