L’ Echo: Montages fiscaux: les métiers du chiffre devront dénoncer leur client

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lundi, 5 août, 2024

D’après la Cour européenne de justice, les experts-comptables ou conseillers fiscaux ne pourront plus invoquer le secret professionnel. Seuls les avocats continueront de bénéficier d’une dispense des obligations déclaratives.

Dans un arrêt fort attendu rendu le 29 juillet dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a conforté l’édifice de la directive DAC 6, qui a instauré une obligation déclarative des montages de planification fiscale agressifs.

Pour rappel, la DAC (Declaration on Administrative Cooperation) a été instaurée par une directive européenne en 2011 et a été révisée pour la cinquième fois le 25 mai 2018, d’où la dénomination DAC 6. La Belgique a transposé la DAC 6 le 20 décembre 2019. Objectif: freiner la créativité en matière d’optimisation fiscale, dans les multinationales notamment. De multiples recours, notamment de la part des professions du chiffre, sont venus ou sont en train de tester la robustesse du dispositif.

Par cet arrêt, la Cour européenne de justice vient répondre à plusieurs questions préjudicielles qui lui avaient été adressées par la Cour constitutionnelle belge. « Elle confirme notamment que l’édifice DAC 6 ne viole ni le principe de sécurité juridique, ni le droit à la vie privée », constate Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom et maitre de conférences à l’ULiège.

Ces motifs avaient été invoqués par des organisations d’avocats et de fiscalistes. D’après la Cour, l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée est proportionnée et justifiée par l’objectif de lutte contre la planification fiscale agressive.

La Cour apporte également une mauvaise nouvelle à de nombreux intermédiaires. Plusieurs professions invoquent aujourd’hui leur secret professionnel pour se dispenser de leurs obligations déclaratives. C’est non seulement le cas des avocats, mais aussi des experts-comptables et conseillers fiscaux, des notaires, etc.

Une exception pour les avocats

Selon la Cour, cette exemption des obligations déclaratives ne peut pas être octroyée à tous les intermédiaires soumis au secret professionnel, au risque d’ouvrir la voie à une remise en cause de l’effectivité même du mécanisme de déclaration institué par DAC 6. Seuls les avocats et les autres professions habilitées à assurer la représentation en justice seraient en droit de bénéficier de la dispense.

Cela s’explique par le fait que la confidentialité de la relation entre l’avocat et son client bénéficie d’une protection tout à fait spécifique, qui tient à la position singulière qu’occupe l’avocat au sein de l’organisation judiciaire des États membres, ainsi qu’à la mission fondamentale qui lui est confiée et qui est reconnue par tous les États membres.

« Cette interprétation restrictive de la CJUE implique selon moi que de nombreux intermédiaires ne pourront en principe plus se retrancher derrière leur secret professionnel pour échapper à leurs propres obligations déclaratives des montages de planification fiscale agressifs, lorsqu’ils participent à leur conception ou à leur mise en œuvre », explique Denis-Emmanuel Philippe.

« Les conseillers fiscaux et experts-comptables vont être notamment impactés », prévient-il. Jusqu’ici, l’ITAA (Institute for Tax Advisors & Accountants) considérait que le secret professionnel empêchait ses membres de signaler spontanément une construction aux autorités fiscales compétentes. « À suivre cette interprétation de la Cour de justice, ils ne devraient en principe plus pouvoir bénéficier de la dispense de leurs obligations déclaratives », souligne l’avocat de Bloom.

Il signale aussi un autre impact de cet arrêt, qui conforte l’édifice DAC 6: « L’administration fiscale pourrait être amenée à prêter une attention accrue au respect des obligations déclaratives par les intermédiaires. »

Du côté de l’ITAA, on préfère pour l’instant se donner le temps d’analyser l’arrêt.

Le résumé

  • Les professions de chiffres seront tenues de déclarer les montages fiscaux complexes.
  • Elles ne pourront plus invoquer le secret professionnel pour se soustraire à cette obligation.
  • Ainsi en a décidé la Cour européenne de justice suite à des questions préjudicielles émanant de la Belgique.
  • Seuls les avocats bénéficient d’un régime dérogatoire et pourront continuer à invoquer le secret professionnel

Journaliste Jean-Paul Bombaerts

Lire aussi l’article de Denis-Emmanuel Philippe dans L’Echo.

https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/economie/montages-fiscaux-les-metiers-du-chiffre-devront-denoncer-leur-client/10558511.html

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