Victoire pour les épargnants belges détenteurs d’actions françaises.
L’administration fiscale belge a décidé, dans une note parue la semaine dernière, de renoncer au double précompte sur les dividendes français. Plus précisément, les détenteurs d’actions françaises bénéficieront automatiquement d’un crédit d’impot dit quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE), qui permet d’imputer la retenue à la source étrangère sur l’impôt belge. Cette nouvelle doctrine vise à atténuer les effets d’une injustice entre les épargnants belges détenteurs d’actions locales, et d’autres qui détiennent des actions étrangères.
En pratique, « lorsqu’une société française distribue un dividende à un particulier belge, celui-ci est soumis d’abord à une retenue à la source en France au taux de 12,8 %. Ensuite, le dividende net subit l’impôt en Belgique au taux de 30 % (87,2 x 30 % = 26,16 %). Soit une imposition totale de 38,96 %. Afin d’atténuer cette double imposition, la convention fiscale belgo-française actuellement en vigueur impose à la Belgique d’octroyer un crédit d’impôt (la QFIE), qui doit s’élever à au moins 15 % du montant net du dividende. Cela signifie que l’impôt belge de 26,16 euros est réduit à hauteur d’une QFIE de 15 %, soit de 13,08 euros. L’imposition globale des dividendes français passe donc de 38,96 % à 25,88 % », souligne Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom.
Si le droit d’imputer la QFIE sur les dividendes français a été naturellement reconnu par l’administration fiscale belge, en application de la convention bilatérale, dans une circulaire du 28 mai 2021 pour les dividendes post-2020, le traitement des dividendes perçus avant cette date demeurait défavorable pour les actionnaires. Comme l’explique Denis Emmanuel Philippe : « le fisc refusait jusqu’à présent le droit d’imputer la QFIE pour les contribuables qui n’avaient pas renseigné les dividendes de source française recueillis avant 2020 dans leur déclaration fiscale, en raison du caractère libératoire du précompte mobilier. Suivant le fisc belge, l’imputation de la QFIE n’est possible qu’au travers de la déclaration à l’impôt sur les personnes physiques. Si le contribuable avait choisi de ne pas renseigner les dividendes dans sa déclaration fiscale, il ne pouvait plus revendiquer la QFIE. Or, cette thèse administrative est critiquable. Elle a d’ailleurs été rejetée par la Cour de cassation dans ses arrêts de fin 2023 et mi-2024. Selon la Cour, un contribuable a ainsi droit à un remboursement du trop-perçu de précompte mobilier, même s’il n’apas déclaré les dividendes de source française dans sa déclaration d’impôt ».
Dévoilant sa nouvelle doctrine, l’administration fiscale belge précise désormais « que le crédit d’impôt sera remboursé tant pour les dividendes mentionnés dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques que pour les dividendes sur lesquels a été appliqué un précompte mobilier libératoire et n’ayant donc pas été mentionnés dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques ».
Pour Denis Emmanuel Philippe «La nouvelle position du fisc va faire enparticulier le bonheur des Belges qui ont demandé le remboursement dela QFIE via une demande de remboursement du précompte mobilier, et qui se sont heurtés jusqu’à présent à un refus du fisc. Sont ici généralement visés les investisseurs belges qui ont perçu leurs dividendes sur un compte belge avec application du précompte mobilier libératoire, et qui n’ont pas renseigné leurs dividendes dans leur déclaration fiscale. Des centaines de contribuables ont ainsi introduit un recours en justice en vue d’obtenir un remboursement du précompte prélevé sur des dividendes reçus durant la période allant de 2012 à fin 2019».
Victoire provisoire
Si la nouvelle doctrine est une bonne nouvelle pour les épargnants belges qui reçoivent des dividendes français, la situation est amenée à – encore -évoluer avec l’entrée en vigueur de la nouvelle convention fiscale franco-belge – signée en 2021, mais dont l’entrée en vigueur ne devrait pasintervenir avant 2026. Comme l’explique François Collon, avocat fiscaliste au barreau de Bruxelles «
Cette possibilité d’imputer la QFIE disparaîtraavec la nouvelle convention fiscale franco-belge. Par conséquent, les actionnaires belges de sociétés françaises seront taxés globalement à38,96 %[i] à partir de son entrée en vigueur ».
[i]En l’absence d’une convention fiscale, lorsqu’une société française distribue un dividende à un particulier belge, celui-ci est soumis d’abordà une retenue à la source en France au taux de 12,8 %. Ensuite, le dividende net subit l’impôt en Belgique au taux de 30 % (87,2 x 30 % =26,16 %). Soit une imposition totale de 38,96 %.
Journaliste Nessim Ben Gharbia
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