Distribution faite par une construction juridique à un « tiers » : dividende imposable ?
1.Deux jugements opposés à propos de la même question / faits semblables…
Dans un jugement du 16 décembre 2024, le tribunal de première instance du Brabant wallon a considéré qu’une distribution d’un montant de 2,8mio € faite par une construction juridique (CJ) – une société établie aux Iles Vierges Britanniques- à un « tiers » (apparenté au fondateur) était imposable au titre de dividende sur le fondement de l’article 18, al.1er, 3° du CIR.
Dans une affaire en grande partie similaire, que j’avais déjà récemment commentée, le tribunal de première instance de Bruxelles était arrivé à la conclusion opposée.
Il est remarquable que deux juridictions rendent, à quelques jours d’écart, des décisions opposées à propos de la même question juridique. La similitude des faits dans les deux affaires est aussi frappante.
2.Absence d’invocation de la condition de mise à disposition d’un capital (article 17 du CIR)
- Comme dans l’affaire ayant donné lieu au jugement bruxellois, la somme litigieuse avait transité par le compte d’un notaire belge en vue de l’acquisition d’un bien immeuble par un enfant du fondateur (qui n’était pas actionnaire de la CJ / n’avait pas apporté de capitaux dans la CJ).
- Le TPI du Brabant wallon a entériné la taxation de ce paiement au titre de dividende sur le fondement de l’article 18, al.1er, 3° du CIR.
- 🔦 L’argument tiré de l’absence de « capitaux engagés » (article 17 du CIR) n’avait toutefois pas été invoqué par le contribuable en justice.
Or, c’est précisément parce que cette condition n’était pas remplie que les magistrats bruxellois ont jugé, dans l’autre affaire, que la distribution n’était pas imposable chez le bénéficiaire… Selon eux, l’article 18, al. 1, 3° du CIR doit être lu conjointement avec l’article 17 du CIR. S’il n’y a pas mise à disposition d’un capital, il ne peut y avoir de revenu mobilier imposable…
3.Donation indirecte
- Le contribuable avait argumenté que :
(i) la CJ avait fait un prêt de la somme litigieuse à son actionnaire, la maman du contribuable; et que, dans la foulée,
(ii) cette dernière lui aurait fait une « donation indirecte » de cette somme en vue du financement du bien immobilier. - Le juge a balayé cet argumentation au motif que (i) les sommes avaient été distribuées directement au contribuable, et que (ii) la preuve de l’existence d’une donation indirecte n’avait pas été faite.
On peut évidemment s’attendre à ce que les conseillers du contribuable brandissent l’article 17 du CIR en appel…
Affaire à suivre!
Denis-Emmanuel Philippe