L’Echo: Loi-programme adoptée: cinq mesures fiscales à retenir

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vendredi, 18 juillet, 2025

Derrière la réforme du chômage, la loi-programme adoptée ce vendredi acte plusieurs ajustements fiscaux d’envergure. De la DLU aux RDT, passage en revue de cinq dispositions à retenir. 

Même si la réforme du chômage est la mesure phare de la loi-programme, adoptée majorité contre opposition dans la nuit de jeudi à vendredi, ce texte comprend de très nombreuses autres mesures importantes en matière fiscale. 

Nouvelle régularisation fiscale 

Mal perçue par la gauche qui estime qu’on a déjà offert trop de fois la possibilité aux fraudeurs de se remettre sur le droit chemin, une nouvelle régularisation fiscale sera introduite. Mais les taux de cette cinquième « déclaration libératoire unique » (DLU) seront plus élevés que lors de la précédente. 

Une majoration de 30% s’appliquera en plus du taux dû si le contribuable s’était acquitté de ses obligations fiscales, soit un prélèvement total de 60%. Pour les capitaux fiscalement prescrits, le taux sera de 45%. Selon l’avocat fiscaliste Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law), pas mal d’investisseurs en crypto pourraient être tentés de recourir à cette DLU 5. 

Le fisc belge sera en effet informée à partir de 2026 des transactions sur crypto-actifs réalisées par les résidents belges et les montants impliqués, à la faveur de la directive DAC 8.Par ailleurs, un projet de texte de loi prévoit que les comptes de crypto-actifs devront être notifiés au Point de contact central tenu auprès de la Banque nationale de Belgique (BNB). 

Les « carried interests » taxés 

Les intéressements aux plus-values (« carried interests ») seront désormais imposés comme des revenus mobiliers, à un taux de 25 %. La mesure cible les gestionnaires de fonds d’investissement qui perçoivent une partie de leur rémunération sous cette forme. 

Destiné à les inciter à maximiser la performance du fonds, ce mécanisme leur permettait jusqu’ici de bénéficier d’un traitement fiscal favorable, puisque les revenus de carried interest pouvaient souvent prendre la forme de plus-values sur actions exonérées d’impôt. L’administration fiscale voyait ce genre de mécanismes d’un mauvais œil, et tentait souvent de requalifier ces plus-values en revenus divers (plus-values spéculatives taxables à 33%), voire en revenus professionnels (taxables à 50%). 

Pour éviter des contentieux à répétition, le gouvernement a décidé de taxer les carried interests à 25%, soit un taux inférieur à celui appliqué aux revenus professionnels ordinaires. 

 Création d’une exit tax 

Avec la nouvelle « exit tax », le départ d’une entreprise vers l’étranger sera fiscalement traité comme une liquidation fictive. Les actionnaires de la société émigrante devront dorénavant déclarer un dividende (fictif) en proportion des actions qu’ils détiennent dans la société émigrante, et ce dividende sera taxable au taux de 30%. 

L’administration fiscale pourra donc réclamer des plus-values latentes aux actionnaires qui n’ont pourtant pas touché de dividende dans le cadre de ce transfert de siège. Jugée contraire au principe européen de liberté d’établissement, cette mesure risque de faire l’objet de recours en annulation devant la justice. Mais celle-ci aura sans doute un effet dissuasif. 

Des entrepreneurs pourraient ainsi renoncer au déménagement d’un siège social si cela implique de faire face à de longues procédures judiciaires. 

La taxe comptes-titres bétonnée 

La taxe sur les comptes-titres, qui consiste en un prélèvement annuel de 0,15% pour ceux dont la valeur dépasse un million d’euros, est revue pour empêcher les manœuvres de contournement. Jusqu’ici, des stratégies d’évitement pouvaient être mises en place relativement facilement. 

Par exemple, le détenteur d’un compte-titre de 2 millions d’euros pouvait transférer la somme de 500.000 euros sur trois autres comptes-titres afin de rester sous le seuil de taxation. Mais la donne va changer, car les banques auront maintenant l’obligation de notifier ce type de scission artificielle au fisc. Et la charge de la preuve reviendra désormais au contribuable. À lui de prouver que sa démarche répond à d’autres besoins qu’un seul objectif fiscal. 

« Quelques exemples de motifs non fiscaux qui devraient être admis : les scissions de compte-titres consécutives à un divorce ou à des donations aux enfants », indique Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law) qui ajoute que selon la nouvelle loi, la conversion de titres dématérialisés en titres nominatifs est logée à la même enseigne que les scissions de comptes-titres: présomption d’abus et obligation de notification par les banques. 

La déduction RDT plus stricte 

La loi-programme touche aussi le régime des revenus définitivement taxés (RDT), qui permet d’éviter la double imposition des dividendes entre sociétés. Pour en bénéficier, la société bénéficiaire doit détenir au moins 10 % de la filiale ou une participation d’au moins 2,5 millions. 

Désormais, une nouvelle condition s’ajoute : les actions concernées doivent être comptabilisées comme des immobilisations financières, s’agissant de participations de plus de 2,5 millions et inférieures à 10% du capital de la filiale. 

Ce changement pourrait exclure de nombreuses sociétés holdings, notamment celles qui détiennent des actions dans des sociétés cotées à titre de placements de trésorerie. Elles devront désormais prouver qu’il existe un lien durable et spécifique avec la société émettrice pour bénéficier du régime RDT. 

 Journaliste Pauline Deglume

Lire aussi l’ article dans L’ Echo 

 

 

 

 

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