La convention préventive de double imposition, qui date de 1964, prévoit pourtant qu’il convient de déduire de l’imposition belge une « quotité forfaitaire d’impôt étranger » (QFIE). Une quotité qui, pour les actions françaises, se monte à 15% du dividende net après retenue à la source en France, et qui doit venir en déduction du précompte belge. L’enjeu est d’importance, les actions françaises étant populaires parmi les investisseurs belges – on songe notamment à Engie et TotalEnergies.
Mais comme la Belgique a supprimé cette notion de QFIE en 1988, le fisc soutenait qu’il n’y avait pas à imputer ces 15% sur le précompte belge. Un certain nombre d’investisseurs ne l’entendaient pas de cette oreille, et ont obtenu à plusieurs reprises gain de cause devant la Cour de cassation, qui a estimé que même si la loi belge ne prévoyait plus de régime de QFIE, la QFIE forfaitaire prévue dans la convention préventive de double imposition devait s’appliquer.
Des centaines d’affaires en justice
En janvier 2021, le ministre des Finances a finalement annoncé que les actionnaires belges pourraient, à l’avenir, obtenir le remboursement de la QFIE en mentionnant leurs dividendes français dans leur déclaration fiscale.
Mais restait la question des dividendes antérieurs. Des centaines d’affaires sont en cours devant les cours et tribunaux belges. Le fisc a un temps soutenu que pour bénéficier de cette QFIE, il fallait que les contribuables aient mentionné leurs dividendes dans leurs déclarations fiscales de l’époque.
Cela a donné lieu à de nouvelles passes d’armes, puis la Cour de cassation s’est à nouveau prononcée, dans deux arrêts du 23 novembre 2023, en faveur des contribuables, estimant qu’il n’était pas nécessaire d’avoir fait mention de ses dividendes dans la déclaration d’impôts pour obtenir le bénéfice de la QFIA. Une position qui a à nouveau été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 21 juin 2024. Mais l’administration fiscale n’avait pas encore pris position.
C’est aujourd’hui chose faite, apprend L’Echo. Le fisc a décidé de ne plus s’opposer au point de vue de la Cour de cassation. Sur base de la convention préventive de double imposition, la QFIE doit donc être remboursée, tant pour les dividendes mentionnés dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques que pour les dividendes sur lesquels a été appliqué un précompte mobilier libératoire et qui n’ont donc pas été mentionnés dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques.
Le ministre des Finances Jan Jambon (N-VA) se dit satisfait. « La sécurité juridique pour le contribuable est un élément important de notre accord de gouvernement. C’est la raison pour laquelle je soutiens pleinement la décision de l’administration fiscale de déposer les armes dans ce dossier et de parvenir à une solution constructive pour le contribuable. »
À noter que cette QFIE sur les dividendes français ne vaut que tant que l’actuelle convention préventive de double imposition reste d’application. Or la Belgique et la France ont signé une nouvelle convention, qui ne prévoit plus cette QFIE. Une convention qui ne devrait toutefois entrer en vigueur qu’en 2026 ou 2027 au plus tard.
« La décision du fisc va faire le bonheur de nombreux Belges », réagit Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom Law. « Il est clair que les grands gagnants sont les Belges qui ont perçu des dividendes français avec application du précompte mobilier libératoire. Pour ceux qui ont reçu des dividendes sur un compte à l’étranger sans prélèvement du précompte mobilier, ce n’est pas totalement clair. On peut en tout cas espérer que le fisc acceptera aussi de leur rembourser la QFIE. »
Vu le nombre de dossiers concernés, cette décision devrait avoir un impact significatif sur les finances publiques, mais nous n’avons pas pu, à ce stade, obtenir d’estimation chiffrée.