L’ Echo: Les gestionnaires de fonds auront une fiscalité attrayante

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mercredi, 9 avril, 2025

Les revenus dits de « carried interest » des gestionnaires d’actifs seront soumis à un taux d’imposition propre. Objectif: doper le private equity en Belgique.

La fiscalité des gestionnaires de fonds va changer. Le gouvernement fédéral prévoit un tout nouveau régime d’imposition pour l’intéressement aux plus-values, une rémunération courante des gestionnaires de private equity, plus connue sous le nom de « carried interest ». L’objectif est de stimuler la gestion de fonds en Belgique.

Il existait jusqu’à présent une grande incertitude au sujet de la qualification juridique de ces revenus de gestionnaires de fonds. S’agissait-il de revenus professionnels, taxables au taux d’imposition marginal allant jusqu’à 50%, de plus-values dépassant le cadre de la gestion normale du patrimoine privé, taxables à 33% au titre de revenus divers, ou plutôt de revenus mobiliers soumis au précompte mobilier de 30%?

L’avant-projet de loi dont nous avons pu prendre connaissance, porté par le ministre des Finances, Jan Jambon (N-VA), éclaircit la situation juridique de ces revenus, en prévoyant une fiscalité attrayante et compétitive par rapport à celle de pays voisins. En pratique, l’intéressement aux plus-values sera considéré comme un revenu mobilier qui sera taxé à un taux spécifique de 20%.

Ce taux est généralement inférieur à ce qui prévaut chez nos voisins. En France, un impôt de 30% s’applique sous conditions. En Allemagne, l’impôt sur les revenus professionnels, avec un taux marginal avoisinant 45%, est applicable, mais seule une part de 60% des revenus de « carried interest » sont taxés. Le Royaume-Uni vient de durcir sa fiscalité sur ces revenus, avec un taux d’imposition de plus de 30%. Seul le Luxembourg restera plus avantageux que la Belgique, à certaines conditions (nouveau résident fiscal ou encore plus-value réalisée après plus de six mois).

De quoi éviter des litiges fiscaux

Le texte en discussion au gouvernement fédéral prévoit aussi que l’administration fiscale ne pourra pas faire usage des dispositions lui permettant de requalifier certains revenus en revenus professionnels, ce qui bétonne la qualification de revenus mobiliers et la fiscalité attrayante qui s’y attache.

Voilà qui devrait éviter bien des procédures judiciaires à l’avenir, car le « carried interest » a été un véritable nid de litiges fiscaux jusqu’ici. « À l’heure actuelle, il y a de nombreux litiges en cours concernant le traitement fiscal de revenus de ‘carried interest' », explique Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom Law. « La cour d’appel de Bruxelles a, par deux fois en 2019, considéré que les plus-values sur parts de ‘carried interest’ réalisées par des managers de fonds d’investissement étaient imposables au titre de revenus professionnels. Il y a des décisions en sens opposé aussi. Mais cette jurisprudence bruxelloise montre que le risque d’une taxation au titre de revenu professionnel n’est pas à exclure dans certains cas. »

Interrogé sur la portée du texte en préparation dont nous avons eu vent, Me Philippe le juge « plus que bienvenu, car il stimulerait incontestablement l’activité des fonds d’investissement en Belgique ».

Attirera-t-on des gestionnaires britanniques?

« Avec ce nouveau régime, le gestionnaire de fonds d’investissement s’en sort encore à bon compte », estime cet expert. « Certes, il paie un impôt de 20%, ce qui n’est pas si important que cela, sur son revenu de ‘carried interest’. Mais il reçoit la garantie que le fisc n’ira pas tenter de l’imposer au titre de revenu professionnel, avec à la clef une taxation au taux marginal de 50%, comme l’ISI (Inspection spéciale des impôts, NDLR) tente de le faire dans certains dossiers actuellement, avec parfois l’approbation du juge fiscal. »

Pour les professionnels du secteur, le nouveau régime fiscal des revenus de « carried interest » est une mesure équilibrée. « Il faudra voir le texte final, mais l’approche est mesurée », réagit Jan Alexander, secrétaire général de la BVA (Belgian venture capital & private equity association). « Le taux est raisonnable et compétitif par rapport à ce qui prévaut en France et aux Pays-Bas, même si le Luxembourg reste plus attrayant. »

Le responsable de la fédération belge du private equity se réjouit de l’impossibilité de requalification en revenus professionnels. « C’est une bonne chose, car on a vu l’effet de la décision récente du Royaume-Uni de requalifier le ‘carried interest’ en revenu professionnel », indique Jan Alexander.

Cette réforme portée par le gouvernement britannique alourdira la charge fiscale des gestionnaires d’actifs. Plusieurs grandes firmes de private equity, comme KKR, EQT et Blackstone, ont averti que cette mesure provoquerait un exode des professionnels de l’investissement. Le nouveau régime belge attirera-t-il des gestionnaires d’actifs en quête d’un meilleur sort fiscal?

Le résumé

  • Le gouvernement fédéral prépare, en ce moment, un nouveau régime fiscal pour les revenus de « carried interest ».
  • Cet intéressement aux plus-values est une forme de rémunération courante chez les gestionnaires de private equity.
  • Ces revenus seront taxés à 20%, un taux plus attrayant que celui de la plupart des pays voisins.
  • La fédération belge du private equity juge cette mesure raisonnable.

Journaliste Philippe Galloy

Lire aussi l’ article dans L’ Echo

 

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