Selon des arrêts de deux cours d’appel, le fisc peut infliger un accroissement d’impôt, même en cas de toute première infraction d’un contribuable de bonne foi.
Que risque-t-on en cas de première infraction en matière fiscale? Des décisions judiciaires récentes montrent que si la loi permet à l’administration fiscale de se montrer clémente envers un contribuable de bonne foi, il ne s’agit là que d’une possibilité et non d’une obligation, même si le nouveau gouvernement compte changer la donne prochainement.
Un arrêt de la cour d’appel de Gand du 14 janvier et deux arrêts de la cour d’appel d’Anvers du 4 février soulignent que le fisc n’est pas obligé de renoncer à appliquer un accroissement d’impôt de 10% en cas d’erreur ou de faute commise de bonne foi par un contribuable dans sa déclaration fiscale.
Certains contribuables avaient cru pouvoir inférer d’un arrêt antérieur de la Cour constitutionnelle que cette pénalité ne pouvait pas s’appliquer en cas de première infraction. En effet, un arrêt du 21 novembre 2024 de la haute juridiction indique que « l’accroissement d’impôt n’est en principe pas appliqué lorsqu’il s’agit d’une première infraction sans intention de fraude ».
Mais ce constat de la Cour constitutionnelle n’implique nullement qu’il s’agit là d’une règle qui s’impose aux autorités fiscales. Les cours d’appel de Gand et Anvers l’ont rappelé dans leurs décisions.
« Une possibilité, pas une obligation »
« La cour d’appel de Gand souligne qu’un accroissement d’impôt de 10% représente l’accroissement d’impôt minimum prévu par la loi, auquel l’administration fiscale peut, certes, renoncer en l’absence de mauvaise foi, mais sans y être obligée », indique un communiqué de la juridiction d’appel gantoise, devant laquelle un contribuable avait plaidé sa cause en invoquant l’arrêt de la Cour constitutionnelle.
« L’application d’une majoration de 10% en cas d’introduction d’une déclaration fiscale incorrecte est conforme à la loi, même en cas de bonne foi », confirme, quant à elle, la cour d’appel d’Anvers dans un communiqué reprenant la substance des deux arrêts qu’elle a prononcés. « Le fait que l’administration fiscale puisse renoncer à une majoration d’impôt en cas de bonne foi est une possibilité, pas une obligation. »
« Ces deux communiqués des cours d’appel de Gand et d’Anvers ont remis l’église au milieu du village: l’administration a la possibilité, mais non l’obligation, d’appliquer un accroissement d’impôt de 10% en cas de première infraction de bonne foi », résume Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom Law. « Cette interprétation me semble entièrement conforme au texte de la loi, qui est clair. »
En effet, l’article 444 du code des impôts sur les revenus dispose notamment qu' »en l’absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au minimum de 10% d’accroissement ». « On voit que la majoration de 10% est permise par la loi, même en cas de première infraction commise de bonne foi », souligne Me Philippe.
Vers une réforme des amendes fiscales
Mais on pourrait bientôt voir disparaître cette possibilité laissée au fisc de se montrer intransigeant en cas de première incartade d’un contribuable de bonne foi. Dans son accord de coalition, le nouveau gouvernement dit vouloir « réformer la politique d’amende fiscale ».
« Lors des premières erreurs de bonne foi, il n’y aura plus de sanction automatique, mais le contribuable recevra seulement un avertissement », prévoit l’exécutif fédéral. « Le fisc n’infligera plus d’amende automatiquement […]. L’accent doit être mis sur la clarification et l’ajustement plutôt que sur la sanction. Ces règles s’appliqueront à tous les impôts. »
Mais dans l’attente de cette réforme, l’interprétation de la loi fiscale reste celle qu’ont donnée les cours d’appel de Gand et Anvers. Le contribuable de bonne foi n’est donc pas (encore) à l’abri d’une sanction.
Journaliste Philippe Galloy
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