L’Arizona a décidé de supprimer le dernier avantage fiscal fédéral qui profitait aux multipropriétaires. La fin de la déduction ordinaire d’intérêts risque plus d’impacter les petits investisseurs que les grands.
Les « épaules les plus larges » devront contribuer à l’effort budgétaire mené par le nouveau gouvernement fédéral. Outre la taxe sur les plus-values, l’Arizona met fin à un avantage fiscal qui profite, cette fois-ci, aux multipropriétaires: la déduction ordinaire d’intérêts au niveau fédéral.
Cet avantage permet aux propriétaires qui détiennent une résidence secondaire ou un bien d’investissement (ou plusieurs) pour lesquels ils ont un crédit immobilier en cours de déduire les intérêts payés de leur base imposable, et donc de réduire la taxation à l’impôt des personnes physiques (IPP).
Tous les emprunts concernés
Les emprunts hypothécaires (pour l’acquisition du bien) ne sont pas les seuls concernés. Tout emprunt qui se rapporte à l’acquisition ou à la rénovation de ces biens le sont. Il peut s’agir d’un crédit à la consommation, d’un prêt rénovation, d’un prêt énergie…
Autrement dit, « un contribuable qui achète une résidence secondaire avec ses deniers propres ainsi qu’un autre immeuble à la mer destiné à la location et financé par un crédit peut déduire les intérêts de ce crédit de l’ensemble des revenus immobiliers imposables, à savoir les revenus immobiliers à déclarer pour l’appartement à la mer, mais aussi pour la résidence secondaire », illustre Denis-Emmanuel Philippe.
Succès croissant
Ce dispositif a séduit au fil du temps de plus en plus de contribuables et est régulièrement considéré comme un « cadeau fiscal » pour les investisseurs en immobilier. Ainsi, pour l’exercice d’imposition 2019 (qui correspond donc à l’année de revenus 2018), 403.777 contribuables bénéficiaient de la déduction ordinaire d’intérêts. En 2020, ils étaient 421.168. Ce chiffre n’a fait qu’augmenter, atteignant 474.783 lors de l’exercice 2023.
Le gouvernement De Wever veut donc y mettre un terme, sans qu’on sache actuellement si le dispositif sera supprimé de manière progressive ou non, ou encore si sa suppression concerne les emprunts en cours ou non.
Les petits investisseurs plus impactés que les grands
Pour les deux experts, la suppression de la déduction ordinaire d’intérêt impactera moins les épaules les plus larges que les petits investisseurs qui détiennent un ou deux biens.
ls expliquent: « Les investisseurs qui détiennent beaucoup d’immeubles sont structurés en société et ne seront donc pas impactés par la mesure. Les intérêts des crédits contractés en société sont toujours déductibles. Ce sont donc les ‘bons pères de famille’, les investisseurs soumis à l’impôt des personnes physiques, qui trinqueront. »
Denis-Emmanuel Philippe confirme: « Pour certains, la pilule sera difficile à avaler, notamment pour ceux qui avaient tablé sur une déduction lors de l’élaboration de leur plan financier. Ils vont se retrouver du jour au lendemain avec une charge fiscale non budgétisée. Or, elle n’est pas négligeable, puisqu’elle peut s’élever à 50% d’IPP sur les revenus immobiliers imposables. »
Exemple
Pour un investisseur qui achète, par exemple, un immeuble de rapport composé de trois unités à Woluwe-Saint-Pierre au prix de 800.000 euros, la rentabilité de son achat diminuera de 0,5% suite à la suppression de la déduction ordinaire d’intérêts fédérale, chiffre BuyerSide.
Il obtient un loyer annuel brut de 41.400 euros et est imposé sur la base du revenu cadastral indexé (6.572 euros) et majoré de 40%, soit 9.201 euros.
En déduisant la charge d’intérêts (19.200 euros) des 9.201 euros, sa base imposable tombe à zéro. Ses loyers bruts, après impôts, sont donc maintenus à 41.400 euros et son rendement brut s’élève alors à 4,5%.
S’il ne peut plus déduire ses intérêts, sa base imposable s’élève à 9.201 euros. Étant taxé au taux marginal (50%), l’impôt dû s’établit alors à 4.601 euros. Il faut alors déduire cet impôt des loyers perçus (41.400-4.601). Ses loyers bruts annuels s’élèvent à 36.799 euros et son rendement tombe à 4%.
Immobilier en société
L’extinction de la déduction ordinaire d’intérêt risque « de pousser les loyers à la hausse pour compenser la perte, mais aussi de freiner les investisseurs et donc de diminuer le nombre d’investissements immobiliers », estime Adrian Devos.
« Cela peut aussi pousser les investisseurs à se structurer en société. Ils seront alors soumis à l’impôt des sociétés, moins élevé que l’impôt des personnes physiques. Cela leur permet de se prémunir des risques de requalification des revenus immobiliers en revenus professionnels et aussi d’amortir leur immeuble, réduisant sérieusement, voire annulant leur base imposable. En outre, en société, les intérêts sont toujours déductibles… »
Journaliste Mathilde Ridole
Lire aussi l’ interview de Denis-Emmanuel Philippe dans L’ Echo